Bloc 2 entrée libre

Scénarios, dossiers, textes et mots en tous genres.

« LE SANG DE GINETTE » une tentative de western documentaire.

Ginette, ma grand-mère, a 84 ans et chasse depuis ses 14 ans. Son habileté à manier les armes, la dextérité avec laquelle elle tue, découpe et transforme, la faune qu’elle fréquente… tout cela m’attire et me révulse. Pour essayer d’entrer dans son monde, j’ai décidé de passer mon permis de chasser.


Ma grand-mère vit en Vendée, dans une ferme à l’écart du village. Elle est soignée, souriante et d’une politesse un peu désuète. Quand je l’appelle sur son téléphone portable, elle est soit « au cul d’un gros mâle », soit « à donner des consignes à une vingtaine de bonshommes » ou alors « en train de faire son tour ». Elle a appris à chasser et à braconner dès l’enfance, avec son père et ses sept frères, sur les terres du châtelain.

Son monde m’est à la fois complètement naturel et totalement étranger. Le fait de manipuler une arme ou du gibier à peine mort. D’être réveillée par l’odeur du sang le dimanche midi. De fréquenter des personnes parfois infréquentables. D’être une femme au milieu de tant de mâles.

J’ai esquissé ce projet quand j’ai quitté mon monde. La grande ville, les trajets en métro, les personnes auxquelles je ressemble… Je me suis installée en Creuse, dans un village entouré de forêts, où l’on se déplace en voiture, où des chasseurs trainent au bistrot. Des hameaux, des troupeaux, des fermes. Un monde proche de celui de ma grand-mère en somme.

Et puis, j’ai décidé de passer mon permis de chasser. L’envie d’aller en forêt pour autre chose que la balade. Celle de me frotter de plus près au territoire et aux gens qui y vivent. Celle d’aller voir du côté des chasseurs que mes amis regardent de travers. Et l’envie d’apprendre à me servir d’une arme.

L’examen théorique ressemble au code de la route. Quant à la partie pratique, elle se déroule sur un stand de tir. Il faut suivre un parcours d’obstacles, démonter une arme de chasse, tirer sur des plateaux d’argile, sur une cible symbolisant un sanglier. Moi qui, lors de parties de chasse, aurais plutôt tendance à m’identifier à Bambi, j’espère réussir à changer de camp… Le sang de Ginette coule t-il dans mes veines ?

« IL ETAIT UNE FOIS » un texte écrit lors de l’atelier d’écriture les Nuits noires 2018. J’avais alors pioché « Il était une fois une femme ».

« LA FIN DU MONDE » écrit lors de l’atelier d’écriture les Nuits Noires en 2019. J’avais pioché « la fin du monde commencera par… »

Tous les étés, tous les mois d’août, tous les 5, je suis en Algarve.Tous les matins du 5 août, on monte dans la voiture et on fait semblant d’aller dans un endroit surprise. Tous les 5 août, on va au même endroit, à peu près à la même heure, faire exactement la même chose. Direction Monchique, la montagne. Manger du poulet grillé au piri-piri avec des frites. C’est cette montagne là qui a brulé l’été dernier et avec elle tous mes vieux anniversaires. Et c’est tant mieux.

J’ai 5 ans. Sebastiao, mon père, 23 ans.
Nos anniversaires approchent ou reculent, je ne sais plus.
Le 5 août pour moi, le 7 août pour lui.
« Tu es née le 5 août et moi le 7,donc,tu es plus âgée que moi » me dit-il.

Effectivement. Mon père est né deux jours après moi. Ce qu’il s’est passé, c’est que ma mère et ma grand-mère paternelle avaient l’habitude de cueillir des fruits d’arbousier sur les pentes de Monchique. Pour les personnes qui ne connaissent pas cette espèce, c’est un arbuste dont le petit fruit rouge vif met un an à mûrir. Du coups, on peut voir sur un même rameau, les fleurs de l’année en cours et les fruits mûrs de l’année précédente. Un peu comme mon père et moi. Je suis née et je suis restée sur ma branche en attendant que mon père vienne au monde. Un incendie a embrasé les collines, comme tous les ans, à la même date, de la même manière, pour les même raisons et ravagé des centaines, des milliers d’hectares d’arbres plus vieux que les 5 et 7 août additionnés. Mais heureusement, l’arbousier est pyrophile, il résiste au feu. Alors, protégées par l’arbuste, ma mère aida ma grand-mère à donner naissance à mon père et moi j’ai tout vu.

J’ai 4 ans parait-il. Mais je me méfie maintenant, pas sûr que ce soit l’âge que j’avais lors de cette boum, pas sûr même que ce soit moi. Bref, encore et toujours l’Algarve, de la musique à fond dans ce salon tout en long. Ils sont tous grands mais pas si vieux. Je tourbillonne, j’ai une robe à volants, la musique s’arrête parfois, mais pas moi. J’ai soif, saisis un verre, il est tout petit pour une fois, à la taille de mes mains. Il semble contenir de l’eau. Alors je me le jette. Ça brûle.

Des fruits de l’arbousier, on extrait une eau de vie, l’aguardente ou eau de feu.

Si parfois mon père est la mère de ma grand-mère, alors souvent, je suis la grand-mère de ma fille. Par contre, rarement, ma mère est la belle fille de mon père. Ce qui est sûr, c’est que toujours, ma grand-mère, mon père, ma mère et moi, buvons.

J’ai une vingtaine d’années, donc mon père devrait en avoir une quarantaine. Mais il a l’air à la fois beaucoup plus jeune et beaucoup plus vieux. Mais c’est normal, c’est sa tête de l’aube, celle de quand il a fait 1000 kilomètres sur des départementales parce que l’autoroute ça ne devrait même pas exister, qu’il a dormi dans sa voiture dans un coin paumé et qu’il lui reste encore 2000 kilomètres à parcourir.

Il est au comptoir d’un rade Porte de Clignancourt. Il attend l’ouverture d’une vente aux enchère de voitures. « Aujourd’hui, tu es plus jeune que moi. Mais bientôt, nous aurons le même âge »

Depuis, j’attends le moment où nos âges se rejoindrons. Non, je n’attends pas, je travaille à la jonction. Selon, j’accentue mon immaturité, je vais a la taverne, j’essaie de boire beaucoup sans être saoule et gagne aux cartes contre lui, je le regarde sans lui parler, je m’économise. Mais dès que je sens qu’on est pas loin de se retrouver, ça m’effraie un peu quand même, alors je rebrousse chemin, je lui pose une question dont je connais pourtant la réponse… Et lui fait semblant de me répondre.

On ne fête plus nos anniversaires ensemble. Je ne vais plus en Algarve en été. Je rajeunis à vue d’oeil mais n’arriverais jamais a retourner suffisamment en arrière. Les incendies sont de plus en plus violents, ils arrachent même l’âge de la terre, font oublier les pierres. La fin du monde commencera par la naissance de vieux arbousiers.

« SAGES COMME DES IMAGES » un film resté en chantier.

Des repérages intenses en Algarve et à Lisbonne, des images d’archives volées, des dizaines de photocopies des actes municipaux de la Mairie de SIives dans les années 1920, papiers fouillées. Des vieux et des vieilles écoutés pendant des heures, un dossier écrit et m’a permis d’obtenir Le Prix du Projet de film des Rendez vous de l’Histoire de Blois en 2013. Un tournage expérimentant la dissociation du son et de l’image… Un film jamais monté.